Le bassin du Murray-Darling
Entre vous et moi…
Avec mes 1 072 000 km2 de superficie – soit l’équivalent de 14% du territoire-, je suis le plus important réseau hydrographique de mon pays. Mon nom ? Le Bassin du Murray-Darling. Laissez-moi vous éclairer sur mon accent aux sonorités anglophones : je suis citoyen du continent habité le plus sec de la planète, l’Australie. Mon bassin concentre 90 % de la population, sur la côte sud-est, le reste du territoire étant essentiellement constitué de déserts. Et je n’abrite pas moins de 70 % des terres irriguées et 40 % de la production agricole de mon pays. Ce qui ne m’épargne en rien des pénuries qui affectent l’Australie, causées par le réchauffement climatique, ainsi qu’un mode de vie et une économie particulièrement consommateurs d’eau.
Un peu d’histoire
Surnommé « Millewa » par les aborigènes, je porte le nom des deux principales rivières qui me traversent. J’ai été exploité très tôt -au début du 19ème siècle-, pour devenir une voie de navigation et un outil de développement commercial pour mes cousins éloignés : les européens. En développant mes usages, les hommes ont contribué à déstabiliser un système écologique déjà fragile. En cause : le pompage et la dérivation de mes eaux pour l’irrigation et les villes, mais également les mises en pâturage des terres et les déforestations qui ont détérioré la qualité de mon eau, avec un double phénomène d’acidification des sols et de salinisation. En plus, à partir des années 2000, les pénuries d’eau – ou stress hydrique- ont été sans égale.
Le danger est là : j’ai toujours été une ressource rare et précieuse en raison de la géologie (de faibles dénivellements) et des climats chauds et semi-arides de l’Australie. Il était nécessaire de repenser complètement ma gouvernance pour éviter des conséquences environnementales, sociales et économiques catastrophiques. Aujourd’hui, je fais l’objet de toutes les attentions et suis un levier d’innovations pour que les usages de mon eau soient rationalisés et optimisés.
Dans l’intimité du bassin du Murray-Darling
- Source : Alpes australiennes.
- Embouchure : Océan Indien.
- Débit moyen : 450 m3/s (Wentworth) ; 0,89 m3/s (embouchure).
- Longueur cumulée : 3 370 km (dont 2 530 pour le Murray).
- Bassin versant : 1 072 000 km².
- États traversés : Nouvelle Galles du Sud, Queensland, Australie Méridionale, Victoria et Australian Capital Territory (Canberra).
- Affluents : Murray, Darling, Dachlan, Murrumbigee River.
Mes multiples usages
Dès les années 1870, je me retrouve au cœur des discussions entre mes différents co-gestionnaires : les États, conscients à la fois de la pénurie en eau à laquelle la production agricole du pays doit faire face et de la nécessité de faire de moi une artère commerciale.
Les révoltes agricoles dans les zones rurales de ma vallée du Murray, au début du XXème siècle, amènent les autorités à engager un vaste programme de gestion de l’eau fondé sur la construction de barrages et d’usines de pompage.
Navigation : un faible usage
Même si j’ai connu une phase florissante à la fin du XIXème siècle pour le transport de l’or ou de laine, mon faible débit et mon cours sinueux ne se prêtent pas au trafic de bateaux. J’ai très vite été concurrencé par le chemin de fer.
Aujourd’hui, ce sont des bateaux de plaisance pour le nautisme ou la pêche qui emprunte le cours de mon fleuve Murray.
L’agriculture, grande consommatrice d’eau
L’agriculture est l’activité la plus ancienne sur mes rives et, de loin, la plus consommatrice d’eau.
L’Australie a une forte production céréalière et est l’un des plus grand producteurs de viande au monde. Le secteur agricole est sous une pression croissante pour s’adapter à la concurrence internationale et au manque de ressources. L’amélioration de la gestion de l’eau dans les zones rurales a été définie comme une priorité nationale.
L’agriculture en Australie
- Emploie 3% des personnes actives
- Une balance commerciale excédentaire, avec 60% des productions exportées
- Représente une superficie de 2 millions d’hectares pour l’agriculture irriguée, majoritairement dans mon bassin
- 25 % de la valeur brute de la production agricole totale : c’est la valeur de la production agricole irriguée qui ne représente pourtant que 0,5% des terres agricoles du pays
L’approvisionnement en eau des villes
Adelaïde et ses 1,1 million d’habitants – 4eme plus grande ville du pays -, la zone sidérurgique de Port Augusta, et une grande partie des régions rurales de l’Australie Méridionale sont tributaires de mes eaux. Face à la baisse de leurs réserves en eau, les grandes villes australiennes ont dû s’adapter : mise en place de nouveaux systèmes d’approvisionnement et de restrictions de consommation qui varient selon les niveaux d’alerte ; diversification des sources en expérimentant de nouvelles solutions (stockage dans les aquifères, collecte des eaux de pluie, recyclage et désalinisation…).
Sur 23 millions d’habitants, 89 % vivent dans des zones urbaines.
101234567890401234567890
% du territoire australien
en superficie
401234567890
grandes retenues
d'eau artificielles
101234567890er
marché de droits d'eau mis en place par un pays
La production hydroélectrique en fer de lance des énergies renouvelables
La diminution des ressources en eau disponibles est une contrainte clef pour la production hydroélectrique, qui devrait voir sa part dans le mix énergétique national – largement dominé par le charbon – baisser de 5 à 3,5% à horizon 2030.
Pour autant, l’hydroélectricité est la première des énergies renouvelables dans le pays. La centaine de centrales génère plus de 18 TWh par an. Le futur passe par la construction de très petites centrales hydroélectriques de deux manières :
- au fil de l’eau, sans barrage, ni réservoir de stockage,
- à partir de barrages existants et destinés à la fourniture d’eau, le contrôle des niveaux d’eau ou l’irrigation.
Les énergies à la loupe : les énergies fossiles largement en tête
L’Australie exporte environ 68 % de l’énergie qu’elle produit, à partir essentiellement du charbon et du gaz. Elle possède 10 % des ressources mondiales de charbon (seconde réserve mondiale après la Chine), et près de 2 % des ressources mondiales de gaz conventionnel. Le secteur minier représente 10 % du PIB de l’Australie et 248 000 emplois directs.
Chaque année, l’exploitation des ressources minérales du pays consomme 4 % (environ 600 gigalitres) de l’eau disponible. La plupart des sites étant situés dans des zones arides et reculées, la sécurisation de l’approvisionnement en eau est un défi crucial pour le pays.
Les énergies renouvelables comptent pour 7% dans le mix énergétique (hydroélectricité et éolien). L’Australie a de gros efforts à fournir pour atteindre son objectif de réduction de 26% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 2005.
Quel fleuve pour demain ?
Un écosystème fragile
Aujourd’hui, l’exploitation massive des ressources, en premier lieu pour l’irrigation, doit composer avec des épisodes sécheresses qui s’accélèrent tandis que les mises en pâturages des terres et les déforestations participent à l’acidification des sols et à la salinisation des eaux.Les conditions d’approvisionnement en eau pour les différents secteurs d’activité n’ont cessé de se détériorer, d’un point de vue quantitatif et qualitatif. Globalement, les prélèvements augmentent au rythme de 1 %/an au sein du Bassin. La pression sur la ressource en eau est en particulier très forte dans la zone cotonnière du Nord.
L’enjeu économique est bien de satisfaire les besoins tout en gelant l’installation de nouvelles sources de prélèvement afin de limiter les causes de dégradation de l’environnement.
Une réponse politique a été apportée avec le Water Act en 2007 qui a permis la création d’une entité fédérale unique pour me gérer : la Murray-Darling Basin Authority. Cette loi introduit d’autres changements importants comme la création d’un marché d’échanges des droits d’accès à l’eau, la diminution des permis d’irriguer et l’augmentation du prix de l’eau. Cette politique aurait déjà permis de réduire de moitié les consommations d’eau à production constante. Le plan de bassin de la MDBA fixe, par ailleurs, un plan de gestion de l’eau à 10 ans sur l’ensemble du bassin.
Laboratoire de l’adaptation au stress hydrique
La mobilisation des pouvoirs publics, avec l’appui des scientifiques, et l’effet d’entraînement sur les acteurs privés, ont conduit à faire de l’Australie un territoire d’expérimentation des réformes et des innovations destinées rationaliser les usages de l’eau. Des solutions technologiques sont testées, me transformant en véritable laboratoire d’expérimentations de lutte contre le stress hydrique : systèmes plus économes en eau ; processus de désalinisation ; outils prédictifs de la ressource en eau souterraine…
Le pays reste toutefois le 3e plus grand consommateur d’eau par habitant de la planète.